15 ans déjà >>>
En juin 2010, l’ami Jean-Pierre rejoignait le ciel et les bras du Christ qu’il aimait tant.
On s’était apprivoisé, peu à peu, dès septembre 1981. Deux caractères entiers qui pendant 30 ans vont vivre une aventure formidable.
C’est lui qui a repéré mon potentiel d’auteur et qui m’a fait vite comprendre que les chants religieux avaient des règles et que la création musicale n’était pas l’affaire des incompétents (comme moi, il va sans dire).
Une collaboration fraternelle
Alors on a commencé, chant après chant, à construire un répertoire qui nous était propre.
À chaque fois la même rengaine… Il lisait mon dernier texte et me disait avec la tendresse particulière qui était la sienne : « Qu’est-ce que tu veux que je fasse avec ça ? » (dans mes souvenirs, le langage utilisé était beaucoup moins châtié). Il posait le texte sur son piano et on n’en parlait plus.
À chaque fois la même ritournelle… Il me téléphonait : « Alors, tu viens, qu’est-ce que tu attends ? »
Je savais, en arrivant au grand séminaire ou au presbytère, qu’une musique m’attendait.
C’était un mélodiste merveilleux et un compagnon de route fidèle pour notre famille comme pour une centaine d’autres familles et peut-être plus encore.

Ne me demandez pas combien de chants, nous avons composés ensemble, je n’en sais rien, je n’ai jamais compté et, d’ailleurs, pourquoi les compter.
Nos deux noms sont souvent associés (Gambarelli/Kempf) voire, parfois mélangés, puisqu’encore aujourd’hui, il m’arrive d’être appelé « Jean-Pierre Gambarelli ». Cela m’amuse et, en même temps, me touche profondément.
Notre relation musicale n’a jamais été exclusive. Chacun, de notre côté, nous avons pu vivre des projets divers et variés avec d’autres auteurs et d’autres compositeurs.

Notre relation amicale et devenue familiale. Jean-Pierre, nous a marié il y a 40 ans (1984). Marie-Pascale était membre de la Chorale des Jeunes de Strasbourg (la fameuse « CJS » qu’il a fondée et dirigée bien longtemps). Jean-Pierre était également le parrain de notre fille aînée, Anne-Sophie. Un parrain attentionné.
Quelques anecdotes
La première fois que nous nous sommes retrouvés dans un studio (Studio SM à Paris) pour enregistrer « Dieu est en attente » (j’étais soliste sur cet album de JPK et de Charles Singer), il tenait en main un attaché-case mystérieux qui ne le quittait pas et que je n’avais jamais vu. Je dois dire que j’étais curieux de savoir ce que contenait ce précieux coffre. JPK le dépose sur une chaise, l’ouvre précautionneusement et en sort… une paire de Charentaises ! Il n’y avait que ça dans la valise… des pantoufles, des schloppes (c’est de l’Alsacien !).
Quand JPK a quitté le séminaire pour Saint-Urbain, j’ai hérité de son vieux piano. À l’instar de Bob Dylan, Jean-Pierre était passé à l’électrique. Ce piano, il le retrouvait chaque fois qu’il venait à la maison et pouvait, ainsi, nous faire découvrir ses dernières créations. Un vrai piano bastringue qui avait le goût de nos chants religieux populaires… C’est-à-dire chantables par le commun des mortels.
Ce vieux piano droit n’a pas résisté à l’incendie de notre maison en 2012, mais j’ai pu sauver son identité et je l’ai accroché au-dessus de la porte de mon bureau. Cinq chiffres sur une petite plaque de bois : « 11054 »

Au téléphone, sa première phrase était : « Qu’est-ce qu’on mange chez vous ce soir ? », Marie-Pascale lui répondait en proposant un plat qu’il affectionnait (les rognons, par exemple). « Alors je viens ! »
À la fin de sa vie, malade, sur son fauteuil roulant, je l’ai vu pleurer une seule fois. Nous allions parfois à la messe dans une paroisse d’Haguenau. Voulant lui faire plaisir, je lui ai proposé de prendre son aube et son étole pour qu’il puisse concélébrer. En larme, il a refusé ne voulant pas exposer l’image d’un prêtre diminué. Je n’étais pas d’accord avec lui, mais je n’ai pas insisté. Peut-être aurais-je dû ?
Dix jours avant sa mort (lundi de Pentecôte – 24 mai 2010), nous étions attablés dans une auberge à Hoerdt autour d’un plat d’asperges. Lui, un autre couple d’amis (Dominique et Jean-Do), nous et nos enfants. Il nous a fait rire, tant il était déchaîné. Mon dernier souvenir de lui vivant, ce sera ce temps de franche rigolade.

Jean-Pierre est tombé dans le coma quelques jours plus tard. J’ai encore pu le voir, lui prendre la main et chanter quelques-uns de ses chants : « Gloire à Dieu Seigneur des univers », « Le sel de la paix », « Pour les hommes et pour les femmes », « Je te salue Marie », « Peuple de lumière »… Jusqu’à ce qu’une infirmière, inquiète de cette situation inopportune, m’interrompe en ouvrant la porte !
Voilà les quelques lignes que j’ai adressées à nos amis auteurs-compositeurs :
Ce message pour vous faire parvenir le son d’une triste musique.
Jean-Pierre Kempf est décédé cette nuit (3 juin) après un coma de 6 jours dans lequel un ultime AVC l’avait plongé.
Depuis quelque temps, il était très diminué, ses jambes et sa mémoire (proche) rendaient son quotidien difficile.
Mais, je vous l’assure, il n’oubliait pas ceux qu’il avait rencontrés, ici ou là, le temps de quelques notes de musique. Vous qui l’avez connu, pensez à lui dans vos prières.
Cette photo remonte au lundi de Pentecôte (24 mai) que nous avons pu encore passer ensemble dans la joie et la sérénité.
Son inhumation devrait avoir lieu (dans l’attente de la confirmation de sa famille) le mardi 08 juin à 14h00 dans son village d’Eschbach (67).
Il y avait beaucoup de prêtres à ses funérailles. Beaucoup trop ! Jean-Pierre ne les tenait pas tous dans son cœur… Et je peux vous assurer qu’il n’était pas tendre à leur égard. Ne me demandez pas pourquoi, il ne m’a jamais rien dit à ce sujet et je ne lui ai posé aucune question.

Quelques étapes de sa vie publique (source)
Il est né à Eschbach en 1937, issu d’une fratrie de neuf enfants, dont deux prêtres et une sœur religieuse. Il a étudié à Walbourg, Zillisheim et Strasbourg.
Il est ordonné prêtre en 1964. D’abord à Haguenau pendant un an, il est devenu vicaire à la cathédrale de Strasbourg. Il devient alors directeur de la chorale des jeunes, qui anime notamment une régulière « Messe des jeunes » dans l’église du collège Saint-Étienne de Strasbourg.
Jean-Pierre Kempf a également été prêtre dans la paroisse Saint-Urbain de Strasbourg Neudorf. Il a aussi été directeur de cycle au Grand Séminaire de Strasbourg, aumônier départemental des Guides de France du Bas-Rhin.
Il est décédé le 3 juin 2010 à l’âge de 72 ans.
