La cène en scène

Ce moment au travers du regard de plusieurs artistes

Comment percevoir à travers plusieurs œuvres d’art le dernier repas de Jésus avec ses disciples. Un repas qui devient, pour les chrétiens, la « source et le sommet » (Vatican II) de leur foi.
> Jésus, trahit par Judas et avant d’être laché par les siens, transmet ses derniers messages avant son arrestation.
> Jésus, par le pain et le vin, se donne à manger pour reprendre les paroles de Jean au chapitre 6, versets 51 à 58

Objectifs généraux :
– Découvrir des œuvres d’art sur un thème récurrent depuis deux mille ans : la dernière cène (l’ultima cena).
– Faire le lien entre ce passage des évangiles et l’eucharistie.
– Maîtriser le vocabulaire, les symboles, les personnages liés au dernier repas de Jésus.
Mots-clés : communion, communauté, eucharistie, cène, messe, culte, récit de l’institution, mémoire, présence réelle, cénacle, chambre haute, jeudi saint, etc.
Niveau d’application : Jeunes (12 ans et plus) et adultes (groupes restreints).
Format : 3 séances de cinquante minutes.

Déroulement complet
[170.420-a] 

Séance 1
Objectifs : Examiner 10 tableaux abordant le même sujet : la dernière cène (l’ultima cena).
[170.420-b – Diaporama 1]
[170.420-d]

Séance 2
Objectifs : Rassembler, dans deux créations personnelles, les découvertes effectuées lors de l’analyse des 20 œuvres observées.
[170.420-b – Diaporama 1],
[170.420-c – Diaporama 2]

Séance 3
Objectifs : Au travers des représentations artistiques diverses (classiques, pastiches, compositions personnelles et collectives) du dernier repas de Jésus avec ses disciples, expliquer l’importance que les chrétiens donnent à ce passage des évangiles.

Dossier Zip (documents : a – b – c – d)


Documents complémentaires uniquement à usage pédagogique

> Un article de presse concernant l’interdiction d’une affiche détournant la Cène de L De Vinci
170.420-e – Affiche interdite inspirée de la Cène

> Quelques informations sur Léonard de Vinci et sur son œuvre : « L’ultima cena » (le dernier souper)
170.420-f – Fiche artiste L de Vinci – L’ultime cène

> Ce que Léonard de Vinci nous dit de Judas dans sa célèbre Cène
Une réflexion de Marie-Pauline Lagonel (https://fr.aleteia.org/author/marie-pauline-lagonel/)

170.420-g – La cène où il est question de trahison
> Quelques images supplémentaires à utiliser au gré des besoins

170.420-h – Diaporama complémentaire (avec les références des œuvres en commentaire)

Dossier Zip (documents : e – f – g – h)



Réflexions autour de la cène
(texte rédigé à partir des observations d’un groupe d’étudiants suite à la projection du diaporama)

Jésus est toujours au centre. Autour de lui, l’espace est épuré alors que le reste du tableau est souvent brouillon. Il ne regarde pas ses douze compagnons, il regarde plus loin. Jésus est là, mais il est déjà (aussi) ailleurs. Il est avec eux, mais il est plus qu’avec eux.

Pour les chrétiens, l’eucharistie, c’est l’expérience de la présence-absence du Christ.

Les plats sont encore pleins ou déjà vides, les assiettes, les verres, les cruches aussi… Un chien sous la table, un chat un peu trop curieux, un livre ouvert à la bonne page entre deux cierges, un baquet et une serviette pour se laver les pieds… Des personnages terrestres plus ou moins affairés, des personnages célestes dans les fumées des lampes à huile… La barque amarrée d’un pêcheur, des auréoles, ou pas, et même un éclat de lumière pour renforcer le mystère… Tous les détails oscillent entre deux mondes, entre le sacré et le profane.

Pour les chrétiens, l’eucharistie, c’est ce passage de l’un à l’autre sans contradiction. En mangeant du vrai pain, ils mangent le vrai pain venu du ciel (Jn 6, 33).

Il s’agit d’un repas. Tout converge pour montrer un repas entre amis, un repas privé dans une maison privée. Un repas avec douze convives autour de Jésus (souvent par groupe de trois). Parfois un dîner intime sans témoins, parfois un banquet avec quelques serviteurs. Tout converge, en même temps, pour montrer un lieu structuré, solide, bien agencé. Des murs épais, des colonnes travaillées, une tenture de luxe, une architecture géométrique tirée au cordeau. Rien n’est là par hasard.

Pour les chrétiens, l’eucharistie, c’est à la fois une affaire personnelle, chacun avec ce qu’il est, comme il est, d’où il est, et à la fois une affaire collective, communautaire, ecclésiale. Ces deux aspects, parfois antinomiques reflètent le visage de l’Église du Christ, l’image du Christ lui-même.

Il s’agit effectivement d’un repas parce que tout nous invite à le penser. Mais en vrai, personne, dans les œuvres sélectionnées, n’est en train de manger. Rien dans la bouche… Vont-ils manger ? Ont-ils mangé ? Peu importe, puisque ce qui compte, c’est ce qui se dit. La parole se veut nourriture. Celle qui vient de tomber est difficile à avaler. Vous, ses amis, vous allez le trahir en commençant par celui qui partage une dernière bouchée avec lui. 

Pour les chrétiens, l’eucharistie, c’est d’abord se nourrir de la Parole de Dieu. Le Verbe fait chair se fait nourriture éternelle.

Le pain est sur la table. Il y en a pour tout le monde. Des petits pains dispersés, une miche coupée en deux et même, on croit deviner des sandwichs. Mais la table n’est pas, ou plus, celle du festin. Nous ne sommes pas, ou plus, à la noce. Le banquet est ailleurs. Où ? Là où parfois le regard du Christ se tourne. Où ? Là où parfois le doigt du Christ se tend. La table se concentre sur l’essentiel. Le pain de la vie et la coupe du salut. On quitte la table de la fête terrestre pour la fête céleste. On entre en liturgie.

Pour les chrétiens, l’eucharistie, c’est avoir part au corps et au sang du Christ comme un avant-goût de la Vie éternelle auprès de Dieu. 

Lui, Jésus, se tait et eux, les disciples, parlent, discutent, s’interrogent, se concertent, s’étonnent. On sent comme une angoisse devant l’incertitude, devant l’inconnu, devant l’adversité. Les choses semblent leur échapper. Lui a dit tout ce qu’il avait à dire, il a donné tout ce qu’il avait à donner. Les disciples commencent à comprendre qu’il y avait un avant ce repas et un après. Ils ont le ventre noué et n’ont plus la tête à manger.

Pour les chrétiens, l’eucharistie, c’est une immense responsabilité. Puisqu’en mangeant le corps de celui qui se donne dans le pain partagé, ils choisissent librement d’être en lui et acceptent qu’il soit en eux (Jn 6, 57).

Au personnage central qu’est Jésus correspond un objet central : la table. Ou mieux encore, la nappe qui recouvre la table. La table est bien là et on distingue ses pieds, ses tréteaux. Mais la nappe, comme il se doit, prend le dessus. Elle est blanche et pas encore maculée. Quand elle n’est pas blanche, elle est bleue comme le ciel et couverte des fruits de la terre et du travail des hommes. Elle sort de son armoire, elle vient juste d’être dépliée. Chaque pli de cette nappe renvoie le croyant au plus profond du mystère de la foi. Celui qui était mort et maintenant vivant à tout jamais. Il est ressuscité. Son linceul déserté est plié, comme il faut, dans un coin du tombeau. Quand le linceul se fait nappe, tout est dit, la boucle est bouclée.  

Pour les chrétiens, l’eucharistie, c’est la célébration de la mort et de la résurrection du Fils de Dieu. On parle d’action de grâce. Grazie mille Signore ! Merci Seigneur, merci !

Vignette : La dernière cène, Bâle, Cathédrale Notre-Dame, élément de retable, vers 1525.