Bouger nos pratiques catéchétiques

Indépendamment des évolutions sociologiques et religieuses d’un pays comme la France, ces quelques considérations nous permettent de revisiter nos pratiques en ce qui concerne la catéchèse.

Une catéchèse qui avant-hier, hier et encore aujourd’hui n’arrive pas à échapper à deux pièges :

  • Considérer que la catéchèse est une préparation aux sacrements réservée aux enfants.
  • Fonctionner tant sur le fond que sur la forme sur le modèle de l’école publique. Celle qui a peu évolué depuis sa création par Jules Ferry (au demeurant protestant, anticlérical et franc-maçon) dans les années 1880.

Toute démarche catéchétique invite à considérer l’enfant comme…

  • Quelqu’un de vraiment unique qui ne se réduit pas à une simple date de naissance dans une classe d’âge.
  • Un être qui est et pas un être en devenir qui passe son enfance et sa jeunesse à attendre de devenir grand.
  • Un frère dans la foi qui est l’image de son créateur et pas un ʺpaïenʺ qu’il faudrait convertir dans un esprit missionnaire d’un autre âge. 

Toute démarche catéchétique nécessite de cultiver trois dimensions pédagogiques…

L’intégralité et l’intégrité

  • La catéchèse prend tout en compte chez l’enfant (ses dimensions intellectuelle, humaine, affective, spirituelle).
  • La catéchèse oblige l’aîné dans la foi (le catéchète) à être conforme à ce qu’il est simplement mais réellement.  

La bienveillance et la confiance

  • La catéchèse est de l’ordre de la transmission pas de l’apprentissage. Le catéchète n’est pas un enseignant, mais le témoin éclairé et éclairant de la présence de Dieu en chacun.
  • La catéchèse s’installe déjà par un regard accueillant, une parole encourageante, un geste sincère.

L’assertivité et la réciprocité

  • La catéchèse passe par la mise en œuvre (analyse, expérience, échange…) de ces deux valeurs qui traversent les évangiles.
  • La catéchèse devient le lieu où se dit, où se vit, ce que je pense et ce que je ne pense pas, ce que j’aime et ce que je n’aime pas, ce que je veux et ce que je ne veux pas, ce que je crois et ce que je ne crois pas… 

Sept pistes possibles afin de faire évoluer nos pratiques catéchétiques…

1/ Aménager un repaire

2/ Prendre du temps

3/ Faire preuve de créativité

4/ Confier des responsabilités

5/ Poser les règles d’un meilleur vivre ensemble

6/ Positiver et valoriser

7/ Expérimenter et relire chaque expérience

1/ Aménager un repaire

Éviter

  • Les réunions autour de la table de la salle à manger.
  • Tout ce qui rappelle l’environnement scolaire.

Préférer

  • Un tapis par terre et quelques coussins.
  • Une cabane au fond du jardin.
  • Un coin du grenier avec une vieille malle et tous ses secrets.
  • Etc.

2/ Prendre du temps

Éviter

  • Les séances où vous donnez l’impression d’accomplir une tâche.
  • Les programmes tellement cadrés qu’il n’y a plus de place pour expérimenter la rencontre, le partage, le plaisir d’être ensemble.
  • De « faire » au lieu de « faire faire »

Préférer

  • Une balade en vélo qui devient un temps de catéchèse.
  • Une partie de balle au prisonnier pour casser la glace.
  • Un bon gâteau à partager AVANT la séance et pas avalé sur le pouce APRÈS.
  • Quelques rites propres au groupe : prendre une photo à chaque séance pour composer un album commun, allumer une bougie et écouter un chant en silence, dire du bien des uns des autres (chacun aura préparé une belle parole à l’intention d’un autre membre du groupe) …
  • La pratique de la prière plutôt que le discours sur la prière.

3/ Faire preuve de créativité

Éviter

  • La feuille avec des trous qu’il faut compléter.
  • Le cahier de catéchisme calqué sur le cahier de vacances.
  • Les cours magistraux.

Préférer

  • Les histoires édifiantes et les témoignages exemplaires qui transmettent de la connaissance (la tête*).
  • La création collective (projets communs), ne serait-ce qu’une salade de fruits pour aborder l’unité et la diversité de l’Église (la main*).
  • La parole partagée favorisant l’écoute et l’expression des convictions (le cœur*).

4/ Confier des responsabilités

Éviter

  • De tout décider, de tout organiser, de tout préparer…
  • D’infantiliser les enfants.

Préférer

  • La collégialité (réfléchir un itinéraire et choisir ensemble les étapes…)
  • La fraternité (partager les tâches en tenant compte des possibilités de chacun…)
  • La communauté (faire l’expérience de la vie ecclésiale idéale par l’entraide, la solidarité, la coopération, la mutualisation…)

5/ Poser les règles d’un meilleur vivre ensemble

Éviter

  • Les règles à géométrie variable.
  • Les punitions aléatoires (en fonction de l’humeur du jour).
  • Les cris.

Préférer

  • Les règles clairement établies, négociées, discutées et acceptées par tous.
  • Les évaluations régulières dans le cadre d’un temps de conseil de vie.
  • Les sanctions réparatrices et constructives.
  • La médiation et une bonne méthode de résolution des conflits.

6/ Positiver et valoriser

Éviter

  • Toutes situations humiliantes (ne pas confondre humilité et humiliation).
  • Toutes les attitudes conduisant à la diminution de l’estime de soi (ne pas confondre perfection et perfectionnisme).

Préférer

  • Le regard positif laissant émerger un potentiel.
  • La capacité à rebondir, à s’adapter, à s’appuyer sur ce qui est ferme et cohérent.
  • La note d’humour qui toujours arrondit les angles et polit les rugosités.
  • Le coaching mesuré (à la différence de celui qui conduit à prendre des risques inconsidérés).

7/ Expérimenter et relire chaque expérience

Éviter

  • Le bavardage (les conversations de comptoir, là où le superficiel se dispute l’éphémère).
  • Les bonnes intentions (les idées qui restent en l’état).
  • L’activisme forcené (les activités enfilées comme les perles d’un collier).

Préférer

  • Les échanges argumentés (se donner les moyens de l’argumentation).
  • Les projets ambitieux planifiés (se donner les moyens de la planification – qui, quoi, quand, où…)
  • Les expériences évaluées (se donner les moyens de l’évaluation). Faut-il rappeler qu’une évaluation est la capacité à estimer une valeur ?

Pierre-Michel Gambarelli – février 2017

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(*) Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827) : disciple de Rousseau, il veut « donner des mains » à l’œuvre de Jean-Jacques afin de « briser les chaînes de l’esprit » et « rendre l’enfant à lui-même et l’éducation à l’enfant ». Il commence à accueillir des enfants pauvres pour leur donner une formation professionnelle. Après la révolution française qu’il admire et qui le fait « citoyen d’honneur », il entreprend d’accueillir et d’éduquer les orphelins de Stans. Il fonde, enfin, à Yverdon un institut qui acquerra une grande notoriété. Sensible à toutes les dimensions de l’éducation – « la tête, le cœur, les mains » – Pestalozzi considère que l’enfant doit être le sujet actif de ses apprentissages ; son principe essentiel est de tout faire pour que l’enfant mette en œuvre lui-même sa propre volonté.

Sources : http://meirieu.com/PATRIMOINE/lespedagogues.htm