La laïcité n’est pas une religion

Les valeurs humanistes n’appartiennent à personne

On peut comprendre la « joie » intérieure, malgré la tristesse du moment, de Michel Cool qui, participant aux funérailles de Dominique Bernard, observe des femmes et des hommes de toutes confessions et de toutes opinions faire corps autour de l’impensable

Le partage des valeurs humanistes et les symboles qui les expriment tout au long de cette célébration catholique prouve la relation apaisée, en France, entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas.

Cette réalité française, qui peut apparaitre trop rapidement pour une évidence, est, justement, ce que les terroristes cherchent à fragiliser. Nous devons, sans cesse, l’entretenir par des paroles et des actes comme on entretient une œuvre d’art, un trésor, contre les épreuves de l’espace et du temps.

L’article de Michel Cool, à demi-mots seulement, nous rappelle qu’au-delà de ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, il y a ceux qui croient mais autrement, différemment, diversement… Dominique Bernard était un de ceux-là. L’Église catholique, celle qui est en France et qui voit ses rangs s’étioler serait bien inspirée de ne pas réduire l’univers catholique aux seuls messalisants. Il est temps de compter, de cataloguer, de juger autrement ceux qui se considèrent catholiques sans pour autant briguer la sainteté fantasmée recherchée par les purs et durs.

Ceci dit, Michel Cool induit une classification (que le titre de l’article amplifie fortement) que je crois erronée. Il n’y a pas d’un côté la foi catholique et de l’autre la foi laïque. Soyons heureux de voir les croyants et les libres-penseurs débattre, se respecter, s’apprécier, s’estimer et se retrouver pour honorer le sacrifice d’une vie fauchée par le terrorisme aveugle d’un islamiste imbécile qui n’a rien à voir avec la religion qu’il salit : l’islam.

Il n’y a pas de foi laïque parce que la laïcité n’est pas une religion. C’est un principe, un simple et efficace cadre juridique que toute personne vivant en France se doit de respecter indépendamment de sa confession, de ses croyances et de ses opinions.

Je suis laïc et catholique, tu es laïc et musulman, il est laïc et croyant ou incroyant, athées, agnostiques, areligieux, irréligieux, libre penseur…

Pmg – 21 oct 2023

Ci-après :

1/ Un article de Michel Cool

2/ Précisions entre les termes athéisme, irréligion et laïcité

Foi humaniste et foi catholique se sont écoutées dans la cathédrale d’Arras

Michel Cool – publié le 20/10/23

Source : https://fr.aleteia.org/2023/10/20/foi-humaniste-et-foi-catholique-se-sont-ecoutees-dans-la-cathedrale-darras/

La foi humaniste de Dominique Bernard, assassiné parce que professeur, était éclairée par un idéal ni éloigné ni distinct de la foi chrétienne, pense notre chroniqueur Michel Cool. L’Esprit n’invite-t-il pas les catholiques à s’asseoir plus souvent à la table des laïcs ?

J’ai fait partie avec ma femme du millier de personnes présentes sur la place des Héros à Arras pour assister sur un grand écran aux funérailles de Dominique Bernard. La ferveur et l’émotion eurent raison des foucades du vent et de la pluie. Cette foule de poitrines serrant sur elles une rose blanche restera un sublime témoignage de la fragilité humaine capable de s’unir pour faire corps contre la cruauté humaine.

Dans notre société de communication virtualisée, où l’incarnation bat de l’aile, il est bon, il est sain, il est indispensable de crever sa bulle numérique pour aller vivre au dehors des communions humaines réelles et fortes. Pour éprouver charnellement, dans un coude-à-coude fraternel, que nous sommes les uns les autres faits du même bois fragile, noble et sensible : « Je crois aux hommes et aux femmes sensibles… » Ces mots d’un auteur anonyme choisis par la famille du professeur assassiné pour illustrer ses convictions humanistes, ont résonné lentement dans la cathédrale et sur la place des Héros ; un peu comme s’ils versaient un baume aromatisé sur un grand corps brutalisé, blessé…

Une foi humaniste

Dans son homélie, l’évêque d’Arras évoqua avec délicatesse la distance prise par Dominique Bernard avec l’Église catholique dans laquelle il avait été baptisé et avait grandi. Les références musicales et littéraires qui ont colorié la cérémonie de ses obsèques, mirent au grand jour sa foi discrète et profonde en l’homme, en la liberté et la beauté. Sa foi humaniste était éclairée par un idéal qui au fond n’était ni éloigné ni distinct de la foi chrétienne. La seule différence significative, rappelée par Mgr Olivier Leborgne dans sa méditation de l’épître de saint Paul (1 Co, 1-13), est que l’espérance chrétienne résulte d’une rencontre personnelle, foudroyante et régénérante avec le Christ, dont le visage illumine son pèlerinage.

Les mots de la foi catholique et ceux de la foi laïque de Dominique Bernard prononcés par ses proches, se sont ainsi comme écoutés et respectés mutuellement sous les voûtes altières et imposantes de la cathédrale d’Arras. Les cantiques, les lectures et les rites liturgiques des funérailles chrétiennes ont cheminé avec de la poésie et de la musique profanes, comme le magnifique adagietto de la cinquième symphonie de Gustav Mahler, l’émouvante musique du film de Visconti, Mort à Venise, qui accompagna la procession du cercueil à la fin de la célébration.

Se donner soi-même

Auparavant, l’assemblée avait entonné la version chantée du célèbre poème de Thérèse de LisieuxAimer c’est tout donner et se donner soi-même. Le Pape vient de lui consacrer une exhortation apostolique pour le 150e anniversaire de sa naissance. Il souligne comment les extraordinaires authenticité et confiance témoignées par Thérèse émanaient de sa certitude increvable d’être aimée à la folie par le Christ. Malgré ses infirmités morales, psychologiques et physiques, elle se savait être l’objet d’un amour torride venant de Quelqu’un. Quelqu’un qui l’empêchait de se haïr elle-même et de haïr les autres. Quelqu’un capable de l’emmener vers des pâturages inconnus et où elle ne serait pas allée de son propre chef. Ainsi à la fin de sa vie, quand sa foi fut mise à rude épreuve, rappelle François, elle se sentit « sœur des athées », en relation étroite et directe avec l’athéisme de son époque : « Je me suis assise à la table de pêcheurs » raconte-t-elle.  

Qui récusera l’idée que Dominique Bernard a lui aussi tout donné et s’est donné lui-même ?

Qui récusera l’idée que Dominique Bernard a lui aussi tout donné et s’est donné lui-même ? Il a été assassiné par un terroriste parce qu’il était un professeur. Il incarnait la transmission des savoirs et l’ouverture d’esprit, deux crimes immondes pour des barbares assoiffés de haine et de sang. Cet amoureux de Gracq, de Van Gogh et de Bach a donné sa vie par amour de ses élèves, de la culture et de la beauté. Cette beauté, affirmait Dostoïevski, qui « sauvera le monde » et dont a confié sa famille, Dominique voulait couronner chaque instant de sa vie et de celle des siens.

S’attabler à la même table

Et si en ces heures troublées et douloureuses pour notre nation et notre monde, l’Esprit, dont nul ne sait « d’où il vient, ni où il va » (Jn 3, 8), voulait inciter les chrétiens à faire comme Thérèse : à s’attabler plus souvent avec des laïcs de bonne volonté ? Ils n’ont rien à craindre en s’asseyant à cette table même s’ils n’y trouveront ni missel ni rosaire, mais plutôt des œuvres d’auteurs profanes. Mais s’ils sont vraiment poussés par l’amour du Christ, alors ils seront forts dans leur authenticité, vrais dans la réciprocité de leurs relations.

Car l’amour qui vient du Christ, témoigne saint Paul, le désarmé du chemin de Damas, libère de la peur, de la violence et de l’orgueil. Il est décapant et remet à jour la vérité nue de chacun. Quelle est-elle ? Nous sommes tous des « êtres sensibles », insufflés par des inspirations diverses, mais tous formés par la même glaise faite d’eau et de boue. Le miracle de l’amour, on le voit dans les vies offertes de Thérèse de Lisieux et de Dominique Bernard, c’est que des flaques de boue peuvent parfois refléter la lumière. Sous les rayons du soleil. Et briller ensemble, côte-à-côte et à l’unisson, comme le 19 octobre 2023 à Arras, autour du cercueil d’un professeur de lettres tombé au champ d’amour.

Repères

Qu’est-ce que l’athéisme, l’irréligion et la laïcité

1/ L’athéisme

L’athéisme est une doctrine niant catégoriquement l’existence d’une quelconque force divine dans l’univers. Pour un l’athée, il n’existe rien dans l’univers qui ressemble, de près ou de loin, à ce que les croyants appellent Dieu.

2/ L’irréligion

L’irréligion signifie l’absence de religion. Irréligieux (ou encore areligieux ou non religieux) est le nom donné à celui qui ne croit en aucune religion, et ce indépendamment de sa croyance ou non en un Dieu (ou en plusieurs Dieux). Donc, il est tout à fait possible d’être irréligieux sans pour autant être athée.

On distingue plusieurs formes d’irreligion :

L’agnosticisme

L’agnosticisme est une doctrine selon laquelle l’esprit humain ne peut connaître l’absolu. Être agnostique consiste à croire qu’une force divine peut exister et peut ne pas exister. Selon les agnostiques, Dieu peut très bien se limiter à une force surnaturelle ayant eu l’unique rôle d’initier l’Univers

Le déisme

Souvent confondu avec le théisme, le déisme affirme l’existence d’une divinité qui ne dépend d’aucun dogme et d’aucune religion révélée. Le déisme est donc une croyance individuelle et irréligieuse.

Le théisme

Le théisme peut, par contre, être ou bien irréligieux (panthéisme) ou bien religieux (monothéisme ou polythéisme).

Le panthéisme

Le panthéisme consiste à penser que Dieu est tout et que tout est en Dieu. Le panthéisme est la forme irréligieuse que peut prendre le théisme. Il s’agit d’un mot grec se composant de deux mots : pan (tout) et théisme (divinité).

3/ La Laïcité

La laïcité n’est pas une croyance ni une position religieuse ou existentielle. C’est un cadre juridique, un principe installé dans la Constitution française et dans la loi. La laïcité est le principe qui permet de faire cohabiter des gens de croyances différentes dans un même pays. D’où la nécessité de ne jamais ranger la laïcité au rang des religions comme peuvent le faire les laïcistes à la suite de Robespierre, de Ferdinand Buisson ou, plus proche de nous, de l’ancien ministre de l’Education nationale : François Peillon.

Vignette : Place des Héros à Arras en mémoire à Dominique Bernard