Le droit local d’Alsace-Moselle

Une bizarrerie de l’histoire qui perdure en Alsace et en Moselle

De façon générale, cette réalité incontournable dans trois départements français (Bas-Rhin, Haut-Rhin, Moselle) soulève deux réactions de la part des « Français de l’intérieur » (comme on dit là-bas) :
1/ L’étonnement de ceux qui découvrent l’étendue des différences. Il parait même que les trains en Alsace-Moselle ne roulent pas du même côté que dans le reste de la France ? Mon expérience me laisse encore croire que de nombreux Français ne trouvent rien à redire à cette situation ne sachant positionner exactement la frontière qui sépare la France de l’Allemagne.
2/ L’agacement de ceux qui refusent d’envisager la chose comme possible. Il parait même que la Sécurité Sociale n’est pas déficitaire en Alsace-Moselle ? Mon expérience m’invite à distinguer deux groupes d’agacés. D’un côté, il y a ceux qui disent : « Pourquoi pas nous ! Nous voulons aussi profiter des avantages du droit local ! » et, de l’autre côté, ceux qui disent : « Nous sommes les adeptes de l’alignement par le bas ! Ce statut est scandaleux, supprimons-le au nom de l’égalité entre tous les Français ! »

Ma pratique de ce droit local tout au long de ma vie professionnelle me conduit à penser qu’il est illusoire d’envisager sa suppression d’un trait de plume (à la façon LFI) et qu’il est tout aussi vain de considérer que ce qui est valable ici l’est ailleurs.

Le droit local ne saurait être un modèle idéal. Il serait plus pertinent de prendre, un à un, ses composants et de les analyser en profondeur, comme dans un laboratoire, afin de transmettre à la Nation le fruit des recherches effectuées. Jean-Louis Borloo avait su le faire, en son temps (2003), en étendant à la France entière le principe de faillite personnelle existant en Alsace-Moselle depuis belle lurette.

En résumé, le droit local n’a pas la vocation d’être un modèle mais un laboratoire. Ceci dit, les Alsaciens ne trouvent peut-être pas leur intérêt dans le fait de dissoudre leurs acquis dans le pot commun. Évidemment, je peux me tromper. Mais je les trouve trop discrets sur le sujet. Tellement discrets qu’ils pourraient laisser croire qu’il y a anguille sous roche… et la suspicion commence !

Qu’est-ce que le Concordat ?

  • Un traité signé par le Premier Consul Napoléon et le pape Pie VII en 1801.
  • Il permet de retrouver une certaine « concorde » entre les catholiques et l’État après les profonds bouleversements de la Révolution française.
  • Les cultes luthérien, réformé et juif bénéficient également par extension (articles organiques) du « droit concordataire ».
  • L’école publique devient confessionnelle et s’organise selon les quatre cultes reconnus cités plus haut.

Pourquoi ce droit concordataire a-t-il été maintenu en Alsace-Moselle ?

  • En 1905, la loi de séparation entre les Églises et l’État abolit le Concordat.
  • L’Alsace et la Moselle, alors allemandes, ne sont pas concernées.
  • Ces trois départements réintégrés au territoire français après 1918 conservent leur régime concordataire.
  • La situation est inchangée depuis.

Approfondir la dimension historique du Concordat
Un diaporama, « Le rouge et le noir », est à votre disposition.

Pour éviter la confusion entre « Concordat » et « droit local », il suffit de poser une addition.

Certaines lois d’origine française d’avant 1871 (la loi Falloux de 1850, le Concordat de 1801, etc.)
+
Certaines lois d’origine allemande d’avant 1918 (associations, cadastre, etc.)
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Certaines lois postérieures à 1918 adoptées par la France et uniquement appliquées en Alsace-Moselle.
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Droit Local

Connaître les principaux domaines d’application du droit local
– Se reporter au livret (texte intégral en pdf) publié par l’IDL (Institut du Droit Local)

– Un article de la presse locale

– Sur le site de la CEA
https://www.alsace.eu/actualites/comprendre-droit-local-d-alsace-moselle

1- Les Alsaciens, dans leur majorité, ne connaissent pas ce droit local dont ils profitent tous les jours sans en connaître les contours. Paradoxalement, d’après les derniers sondages, ils ne souhaitent pas que leurs acquis disparaissent, mais ils n’expriment pas la ferme volonté de les défendre.

2- Des initiatives diverses tentent d’informer les Alsaciens quant à l’importance du droit local dans le quotidien de leur vie. Le droit local des cultes va jusqu’à mettre à disposition de tous des panneaux d’exposition nomades.

Commentaires à ce propos des diverses autorités religieuses :
Le chancelier de l’archevêché Bernard Xibaut s’est félicité de cette initiative dans « un contexte d’ignorance de plus en plus forte des Alsaciens à l’égard du droit local qu’il ne s’agit pas de rétrécir au financement des cultes ». Pour le Grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin Harold Weill, cette exposition revêt un intérêt particulier alors que « le droit local des cultes est menacé par une défiance de l’opinion alimentée en permanence par des gens qui ont intérêt à faire disparaître les religions de l’espace public. Un dialogue interreligieux fécond augure pourtant d’un dialogue plus large au sein de la société ». Membre du conseil d’administration de la Grande mosquée de Strasbourg, Fouad Douai a estimé que « le droit local est aussi une forme de reconnaissance particulière » des cultes non-statutaires, « c’est un bien commun qu’il faut expliquer ».

3- La question est celle de l’évolution nécessaire de ce droit local
« Si nous tenons à notre droit local des cultes, réfléchissons à son évolution » disent les cultes il y a de nombreuses pistes envisageables sans pour autant élargir le droit local à l’islam. L’islam, il s’agit là d’une ligne rouge qui fait visiblement trembler l’État et l’oblige à poser un veto systématique à toute forme d’enrichissement du droit local.
Pour l’État français, le droit local n’a pas vocation à évoluer. Il doit rester figé ou retourner dans le droit général (2011, jurisprudence Somodia). C’est, à terme, sonner la disparition du statut local. Ce qui n’évolue pas meurt irrémédiablement.

4- À tout ça s’ajoutent les éternels coups de butoir des laïcistes qui, par idéologie, finissent par mettre en péril cette particularité alsacienne. Leur lutte repose sur deux fantasmes :

  • La crainte de voir les curés reprendre le pouvoir (anticléricalisme autistique)
  • L’unité n’existe que dans l’uniformité (jacobinisme mélancolique)
    Deux articles de presse pour illustrer mon propos :

Cette présentation du Droit local en Alsace-Moselle ne s’étend pas sur un de ses principaux aspects : le statut scolaire local. Cette spécificité locale demande de s’y attarder plus longuement et fera l’objet d’articles à venir.

Pmg
12 avril 2024

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