L’humanisant.
Mgr Jean Vilnet au bras de Mgr Jean-Paul Mathieu lors de son dernier séjour à Lourdes en 2012
Un de mes albums, Le sel de la paix, comporte un éditorial rédigé par Monseigneur Jean Vilnet, évêque des Vosges (1964-1983), puis évêque de Lille (1983-1998) et Président de la Conférence des Évêques de France (CEF) entre 1981-1987. Ce grand humaniste, proche des plus démunis, ne cherchait pas à plaire, mais à préserver l’unité de l’Église dans l’esprit de Vatican II dont il avait été l’un des acteurs (1964) quant à l’époque, il était le plus jeune évêque de France.
« Le sel de la paix » lui est dédié.
Voilà intégralement ce qu’il écrivait sur la jaquette de l’album :
Que disiez-vous sur la route ?
Que chantiez-vous en marchant ?
Qu’allez-vous dire en chantant, en ce moment de halte, en ce soir qui tombe, en cette Eucharistie à laquelle vous vous préparez ?
Ami, quel que soit votre âge, vous êtes en route, avec d’autres.
Chercheurs de Dieu sans doute.
Porteurs d’espoir aussi et témoins de l’amour.
Sur le chemin de vie, l’Autre, Paroles, Vie et Frère universel vous a rejoints.
Laissez-le prendre place chez vous, comme les disciples d’Emmaüs.
Reconnaissez-le jusque dans le pain rompu et dans tout partage fraternel.
Courez dire partout : Il est vivant !
Avec lui, démolissez la guerre, à Mains nues, et, à cœur ouvert, annoncez la Paix.
Amour, foi, paix, espérance : chantez-les.
Un jour, d’autres se joindront à vous sur la route d’un monde nouveau.
Voici des chants pour cette route, ils sont appel et message. Avec eux, ouvrez le monde à la paix.
« Les clés de la paix sont à notre portée : il nous revient de nous en servir pour ouvrir toutes les portes. »
Jean-Paul II, Journée de la Paix, 1er janvier 1987
Mgr Jean Vilnet
Président de la Conférence des Évêques de France
Si Jean Vilnet me fait l’honneur de cette dédicace, c’est aussi en souvenir de notre amitié. Quand il était évêque des Vosges, nous habitions le même quartier d’Épinal. Lorsque son emploi du temps le permettait, il venait célébrer dans notre petite chapelle. Deux ou trois fois l’an, je devenais, avec une fierté inégalée, son servant d’autel attitré.
C’est à lui que j’ai confié mon souhait d’entrer au séminaire et c’est lui qui m’a donné les moyens financiers de devenir séminariste et d’entreprendre des études supérieures qui, jusque-là, ne m’étaient pas promises.
Quand venait le temps des petites ou des grandes vacances, il me conviait à l’évêché pour participer, parmi sa garde rapprochée, à la célébration qu’il présidait tôt le matin et pour partager sa table du petit déjeuner. J’entends encore sa voix : « Maintenant, tu peux partir, je dois travailler et toi aussi. »
Trois ans plus tard, à mon retour du Burkina Faso et de mon expérience professionnelle comme animateur à Clermont-Ferrand, je suis allé le trouver pour lui annoncer que je quittais le diocèse des Vosges pour rejoindre la communauté des frères de saint François.
Mon projet était clair, mais annoncer ma décision au père Vilnet me pesait. J’avais tort. « Va, car l’Église a besoin de religieux et de religieuses », me dit-il en m’offrant un livre sur la vie des moines et moniales.
De passage à Lille pour animer des rassemblements, des veillées et des célébrations, j’ai pu retrouver, avec bonheur, plusieurs fois Mgr Vilnet dans son deuxième diocèse.
Quelques mois, un an ou deux peut-être, avant son décès, nous avons partagé le même train entre Paris et Strasbourg. « Viens t’asseoir près de moi », me dit-il lorsque je suis entré dans la rame dont il occupait déjà un siège. Une heure ensemble, une éternité, un dernier échange que je garde à jamais dans mon cœur d’homme tant son regard paisible et bienveillant m’humanisait. Et puis la gare de Lorraine, la séparation et une promesse que je n’ai pu tenir de son vivant : « Viens me voir à Saint-Dié », « Je viendrai ! » ai-je répondu.
Ils furent chrétiens comme vous
Évêques pour vous
Caveau de la cathédrale de Saint-Dié
Hommage à Mgr Vilnet de la part de quatre évêques français
Publié le 23 janvier 2013 sur le site de l’Église catholique
Mgr Jean Vilnet, successivement évêque de Saint-Dié (1964-1983) puis archevêque de Lille (1983-1998) et président de la Conférence des évêques de France (1981-1987) est décédé ce mercredi 23 janvier 2013 dans sa 91ème année. Quatre évêques lui rendent hommage.
Mgr Jean Vilnet : un grand serviteur de l’Eglise
C’est avec une profonde tristesse que nous accueillons l’annonce du décès de Mgr Jean Vilnet. Sitôt nommé évêque et avant même d’être ordonné, il rejoignait Rome pour une session du Concile Vatican II. J’ai souvent entendu le Père Vilnet nous dire qu’il était né à l’épiscopat dans le Concile. Au service des diocèses dont il a reçu la charge, à Saint-Dié puis à Lille, son ministère d’évêque fut animé du souci permanent de faciliter la réception des textes conciliaires et de les traduire dans des orientations pastorales concrètes et des pratiques ecclésiales renouvelées, notamment dans la mise en place de conseils du Peuple de Dieu. Ce même souci en fit un promoteur zélé de la collégialité épiscopale dans ses responsabilités au sein de la Conférence des Evêques de France, comme Vice-Président puis Président.
Homme discret et fidèle, le Père Vilnet fut un grand serviteur de l’Eglise. Son activité pastorale était nourrie d’une vie spirituelle marquée par saint Jean de la Croix dont il était un bon connaisseur. Durant son épiscopat, les difficultés et les épreuves ne lui ont pas manqué. Mais il puisait dans une foi solide au Christ et dans une vie de prière intense, la force et le courage de garder le cap de la mission au milieu des turbulences du temps. Il fit preuve de beaucoup d’abnégation, sans chercher à se dérober ni à plaire, mais toujours soucieux de servir en fidélité à l’authentique Tradition de l’Eglise. Il fut un pasteur solide et fiable pour le peuple que le Seigneur avait confié à son ministère. Beaucoup de laïcs, de prêtres, de diacres et de consacré(e)s ont appris auprès de lui le sens de l’Eglise et le goût de la servir à cause de Jésus. Nous nous sentons aujourd’hui un peu orphelins. Merci, Père Vilnet.
Mgr Jean-Luc Brunin
Evêque du Havre
Un jeune évêque enthousiaste qui aimait parler du concile Vatican II
« La première fois, je l’ai rencontré quand j’étais jeune vicaire dans les Vosges, il venait d’arriver dans le diocèse de Saint-Dié [1964-1983]. Il a rassemblé tous les prêtres zone par zone dans son diocèse, arrivant en col romain [et non pas en soutane], signe de sa volonté de s’ouvrir au monde actuel. C’était un jeune évêque dynamique et très enthousiaste qui aimait parler du concile Vatican II. Il répétait souvent une phrase inspirée de Lumen Gentium, constitution dogmatique sur l’Eglise : « l’Eglise est signe du Christ, sacrement du Salut dans le monde, et forme un principe d’unité et de paix. » C’est la première phrase qu’il a commenté devant nous.
Très vite après son arrivée, une crise textile, surtout dans une usine, l’a amené à écrire un éditorial sur les 451 licenciés dans la vallée de la Meurthe. Il s’est intéressé aux questions sociales et humaines, il a pris position comme jeune évêque avec une volonté de rejoindre le monde ouvrier.
Quand j’étais vicaire, il m’a très vite nommé responsable diocésain de la catéchèse. L’annonce de la foi était une de ses grandes préoccupations. Il y avait bien 2000 catéchistes dans le diocèse ! »
Mgr Marcel Herriot
Evêque émérite de Soissons
« Mgr Jean Vilnet est l’évêque du Concile »
« Mgr Jean Vilnet est quelqu’un qui a beaucoup compté pour moi. J’étais encore séminariste à l’époque, quand il fut évêque de Saint-Dié, juste après avoir participé au Concile Vatican II. C’était un évêque investi et convaincu par ce Concile. Il m’a ordonné prêtre, m’a donné une mission. Il m’impressionnait beaucoup car il était proche et réservé. Nous avions parlé ensemble du livre Pierres Vivantes, symbole du renouvellement de la catéchèse dans les années 90. Je me souviens qu’il était venu me voir à Bourges.
C’est l’évêque émérite qui était le plus fidèle à continuer à venir aux assemblées plénières à Lourdes et à prendre la parole sur les différentes questions de l’Eglise tout en faisant référence à la fidélité de l’enseignement du Concile. Un événement important est la manifestation de l’Enseignement catholique lorsqu’il était président de la Conférence des évêques de France. »
Mgr Armand Maillard
Evêque de Bourges
Merci, Père Vilnet pour ce soutien paternel et fraternel tout à la fois
À l’annonce du décès de Monseigneur Jean Vilnet
Je m’étais réjoui il y a plus de trois ans avec les Soeurs de la Providence de Portieux lors du Jubilé de Mgr Vilnet, 65 ans de sacerdoce, et 45 ans d’épiscopat. Voici ce que je lui disais.
« Je dirai quelques mots de ce que notre diocèse vous doit, et moi en particulier.
Arrivé en 1964 dans notre diocèse, après avoir participé aux dernières séances du Concile Vatican II, vous êtes demeuré 19 ans, pour rejoindre Lille en 1983, où vous êtes resté jusqu’en 1998, avant de vous rapprocher à Nancy et finalement de nous rejoindre, à St-Dié.
Vous étiez arrivé chez nous, comme le plus jeune évêque de France, venu en voisin, du diocèse de Langres, mais « rempli du souffle du concile »…
Vous apportiez votre dynamisme, prêt à mettre en œuvre la pastorale d’ensemble : votre fréquentation du chanoine Boulard vous y avait préparé. Comme le rappelait le vicaire général lors de votre départ, vous vouliez une Église présente à la vie des hommes et messagère de la Parole de Dieu. Vous vouliez que l’Église soit une communauté de croyants.
Vous encouragiez et donniez votre soutien aux laïcs engagés dans la cité et le monde du travail.
Les Sœurs de la Providence de Portieux sont reconnaissantes de l’aide que vous leur avez apportée, dans la refondation de leurs Constitutions au lendemain du Concile et lorsqu’elles durent faire face aux expulsions des religieuses du Cambodge.
Vous aviez pris des responsabilités nationales à la Conférence épiscopale, comme vice-président et en 1981 comme président. Une belle puissance de travail…
Pendant 19 ans chez nous, vous avez eu à cœur de nous guider vers le Christ et, avec lui, de transmettre à nos frères, l’amour dont Dieu lui-même les aime…
Pour ma part, je faisais partie du second contingent de vos ordinations, en 1966. Vous m’avez autorisé à faire quelques études à Paris et à mon retour, vous m’avez nommé à Epinal et bientôt au Catéchuménat des adultes. Avant de quitter les Vosges, vous m’aviez nommé à la Cathédrale. Cette confiance que vous m’aviez faite, m’a sûrement aidé à mieux assumer la mission de pasteur, même si les conditions dans lesquelles vit aujourd’hui l’Église ont beaucoup changé.
Vous étiez là pour m’imposer les mains une seconde fois lors de l’ordination épiscopale. Aujourd’hui encore, je sais que vous êtes très discrètement présent, prêt à m’écouter en cas de besoin (je n’en abuse pas) et surtout par le soutien de votre prière, puisque je suis devenu en quelque sorte « votre » évêque, à vous aussi.
Merci, Père Vilnet pour ce soutien paternel et fraternel tout à la fois. Merci à vous et rendons grâces à Dieu ! »
À l’heure de son départ, je renouvelle ce merci au Père Vilnet et notre action de grâces pour ses obsèques. J’étais à ses côtés en mars 2012 à Lourdes pour le grand rassemblement national qui inaugurait les manifestations d’anniversaire de l’ouverture de ce Concile Vatican II auquel il était si attaché. Ce fut une de ses dernières grandes joies.
Mgr Jean-Paul Mathieu
Evêque de Saint-Dié