La crèche de Bethléem

À Bethléem, lieu supposé, mais hautement symbolique, de la naissance de Jésus, une toute petite communauté de religieuses de la Charité mène un combat sans fin.
Entre 2009 et 2020, en fonction des conflits, j’ai pu conduire à 8 reprises des étudiants de l’ex IUFM (ESPE et INSPE) en Israël et en Palestine. Pour ces 400 jeunes adultes, il s’agissait de découvrir, en une dizaine de jours, une terre pleine de promesses encore et toujours malmenée par les conflits.
Lors de notre périple autour de Jérusalem, nous avions l’habitude de poser nos bagages à Bethléem (15km de Jérusalem) chez les sœurs de la Charité.

Saint-Vincent guest house

Cette communauté propose le gîte et le couvert aux gens de passage dans un centre d’hébergement abordable pour des petits budgets, simple, accueillant, calme et éloigné de l’agitation touristique.

Le choix de « Saint-Vincent guest house », comme lieu d’accueil, repose également sur un autre objectif. L’argent récolté par les sœurs permet de faire vivre les salariés du centre d’accueil, mais également une crèche. Une crèche à Bethléem, ça ne s’invente pas. Une crèche au pays de la crèche.

Chaque jour, quelques parents aisés de Bethléem déposent leurs enfants et les récupèrent après leur journée de travail comme dans toutes les crèches du monde. Mais quand le soir tombe, les rires, les cris, les pleurs d’enfants ne cessent pas. Dans cette crèche très spéciale, des enfants y naissent et y grandissent en attendant que l’on veuille bien se pencher sur eux, leur tendre les bras et les aimer.

Crèche, maternité et orphelinat

Pour tous, la vie est dure en Palestine et encore plus pour les filles et les femmes. Bethléem est une prison à ciel ouvert, on n’en sort que par les checkpoints. La morale religieuse est intransigeante, implacable, impitoyable et totalement injuste.

Les jeunes filles violées, parfois par leur proche entourage, doivent cacher leur grossesse pour espérer rester en vie. Sous prétexte de partir quelques jours chez une amie, elles accouchent, avant terme, à la maternité juste à côté de la maison des sœurs et abandonnent leur nouveau-né. Remisent sur pied en quelques jours, quelques heures parfois, elles rentrent chez elles et pourront espérer avoir la vie sauve.

Sans aucun jugement à l’égard de ces femmes, les trois phrases précédentes décrivent la situation qui se décline en une foultitude d’histoires plus sordides les unes que les autres que les sœurs de la Charité sont appelées à vivre sempiternellement au pays de la crèche de Jésus.

Les enfants sont soignés au mieux en fonction de ce qui est disponible comme produit et matériel. Ils sont éduqués au mieux en fonction des compétences des encadrants et choyés au mieux en fonction de ce que le temps laisse aux bras et aux cœurs des salariés et des bénévoles pour gérer le quotidien de tout ce petit monde.

Pour la loi palestinienne, ces enfants n’existent pas. Pour la loi israélienne, ils sont apatrides. Et leur statut de fils et filles d’Allah ne leur permet pas d’obtenir un quelconque passeport pour une quelconque destination plus respectueuse de leur existence.

Bravo à Sophie, Élisabeth, Denise et toutes les autres bonnes sœurs que nous avons rencontrées au fil des années, pour le courage de cette petite communauté religieuse à l’avenir plus qu’incertain. Merci pour votre accueil et le temps qui vous avez consacré à nos étudiants afin de leur transmettre une réalité qui toujours nous dépasse.

Bravo et merci aux associations qui se sont créées pour venir en aide aux enfants abandonnés de Bethléem, notamment :
> Les amis de la crèche de Bethléem
> Les amis des enfants de Bethléem (fondée par le jésuite suisse Jean-Bernard Livio, un ami de longue date)

Dès que possible, nous retournerons en « Terre de promesses ».
Nous remplirons la moitié de nos sacs avec des couches, du lait maternisé, des layettes et des peluches.
De nouveau, nous prendrons nos quartiers à Saint-Vincent guest house.
Nous participerons ainsi, simplement, humblement, à notre mesure à cette mission sans fin.
Et comme nous l’avons fait, lors des 8 séjours passés, nous nous poserons les mêmes questions :
« Que faire pour que la vie d’un enfant importe plus que l’immonde morale religieuse qui place l’honneur au-dessus du droit, de l’honnêteté et de l’amour ? »
« Que faire pour que les enfants, et notamment les plus vulnérables, ne soient plus les premières victimes d’un conflit d’adultes que, de génération en génération, on rend de plus en plus inextricable ? »

La crèche de Bethléem en quelques photos prises lors de nos passages entre 2009 et 2020

La crèche à la télé (Journal TF1 – du 22 décembre 2010)

L’expérience de Marie-Caroline de Bellecombe (Magazine « La Vie » du 23 décembre 2022)

Une œuvre de Banksy : « La cicatrice de Bethléem »

L’artiste Banksy est propriétaire de l’hôtel Walled Off au pied du mur de Bethléem.

Un peu plus de dix ans après avoir peint ses premières œuvres à Bethléem, Banksy a pris possession d’un ancien atelier de poterie qu’il a transformé dans la plus grande discrétion en hôtel. Un lieu pour le moins déconcertant posté juste en face du mur construit par Israël. Avec The Walled Off Hotel, dont le nom fait référence à une chaîne d’hôtels de luxe (le Waldorf) et qui signifie également « emmuré » ou « cloisonné », l’énigmatique artiste britannique propose une véritable performance par laquelle il compte faire entendre la voix des Palestiniens.

Ce projet autant artistique que politique a attiré depuis son inauguration en mars 2017 pas moins de 250.000 visiteurs, assure la direction. Sa localisation et les dizaines d’œuvres de Banksy qu’il renferme (dont une crèche baptisée « La cicatrice de Bethléem ») en font désormais un lieu incontournable de visite. Il serait d’ailleurs à peine exagéré de dire que le Walled Off Hotel mérite à lui seul de passer la nuit à Bethléem. (source)