Le « scandale » de l’œuvre détournée.
Quand Léonard de Vinci s’invite aux JO malgré lui.
Vous parlez d’un drame ! On sait parfaitement depuis longtemps que la notoriété d’une œuvre se calcule en « kilopastiche », en « gigadétournement » et bientôt en « yotacaricature ».
Que les milieux conservateurs arrêtent de s’agiter, les Femen n’ont pas organisé un pèlerinage à Lourdes à ce que je sache et les périzoniums de tous les calvaires de France n’ont pas été bariolés aux couleurs de l’arc-en-ciel. Qu’on se calme du côté des « tradis », le Vatican, en trois lignes et demie, a répondu personnellement aux indignés de leur camp (la majorité des catholiques ne se sentant pas concernés) en exprimant sa tristesse devant certaines scènes qui auraient pu les offenser.
Oui et oui, qu’on se le dise, une bonne fois pour toutes, la scène de la cène frisait le ridicule.
Les autorités peuvent toujours rattraper le coup en affirmant s’être inspiré d’un tableau du milieu 17e siècle (1), le dernier souper – The last supper in english – reste le dernier souper, source éternelle d’inspiration : une table avec des hommes assis du même côté (c’est plus commode pour la photo) et un personnage central qui retient toute l’attention.
Merci à Léonard d’avoir offert à l’humanité cette fresque qui orne le réfectoire d’un couvent dominicain à Milan.
Merci à Léonard d’avoir donné, par le biais de cette fresque, à penser aux hommes de bonne volonté.
D’abord, Thomas Jolly, Philippe Katerine et les autres auteurs de cette farce « adolescentrique » ne s’attendaient pas à de telles réactions. Il faudra leur apprendre trois ou quatre trucs :
- On ne bricole pas les symboles n’importe comment et surtout pas au nom de l’art et encore moins de l’art religieux.
- On ne réduit pas son point de vue à la seule vue d’un point : le sien.
- On respecte toutes les différences en veillant au droit à l’indifférence.
- On ne considère pas les goûts douteux d’un microcosme parisien comme étant la norme établie.
Ensuite, face à cet épiphénomène, les réactions disproportionnées des « réacs », obligent à réfléchir au phénomène lui-même :
- En fait, ils parlent au nom des catholiques, de tous les catholiques, mais ils ne sont qu’une infime minorité qui veut, comme toutes les minorités, faire du bruit pour se faire entendre.
- En fait, ils cherchent à diviser le camp des catholiques, à forcer le Vatican à prendre position (2), à dresser les évêques les uns contre les autres, à exciter les tendances intégristes d’une certaine frange rabougrie (3) de la population française alors que la quasi-totalité des humains de cette planète se moque éperdument de leurs états d’âme.
- En fait, ils détestent les fêtes qui échappent à leur contrôle, à leurs diktats et mettent en œuvre un « festibashing » dont ils ont le secret pour gâcher les plaisirs les plus simples, les plus honnêtes, les plus purs. Ah ! Quel horrible mot que celui de « plaisir ».
- En fait, ils n’étaient pas le 4 août sur le parvis de Notre-Dame, la belle convalescente, avec Anne Hidalgo, Valérie Pécresse et Tony Estanguet entourés des représentants des cultes juif, musulman, protestants, catholique, orthodoxe, bouddhiste et hindouiste pour célébrer, en toute « interreligiosité », dans le cadre du « Holy Games », comment le sport mobilise le meilleur pour l’homme et l’humanité.
Enfin, on pourrait rappeler aux auteurs de cette cérémonie comme à leurs pudibonds détracteurs que le détournement de l’œuvre de Léonard n’est vraiment pas d’une grande originalité :
- Souvenons-nous que de grands et petits maîtres ont pu, sur le sujet, laisser aller leur créativité sans pour autant mettre en péril la foi des catholiques. Pas moins de 30 preuves illustrent le diaporama que chacun pourra visionner ici à sa guise (4).
- Souvenons-nous qu’en 1997, la firme Volkswagen vantait les mérites de la nouvelle Golf en détournant la cène de Léonard. Sous la photo, une légende proclamait : « Mes amis, réjouissons-nous, car une nouvelle Golf est née. » (diaporama slide 30) La publicité fut interdite en France.
- Souvenons-nous qu’en 2001, l’œuvre de Renée Cox « Yo mama’s last super » exposée à New-York a fait l’objet d’une vive polémique sans pour autant être interdite alors que le Christ était remplacé par l’artiste elle-même en tenue d’Ève. (diaporama slide 15)
- Souvenons-nous qu’en 2005, la cène au féminin sur une affiche pour les créateurs de mode Marithé et François Girbaud a été retirée des panneaux publicitaires à la suite d’une plainte déposée à l’époque par Mgr Jean-Pierre Ricard aujourd’hui suspendu pour abus sexuels à l’égard d’une jeune fille mineure.
« Il n’est pas sain de vivre et de s’installer dans des polémiques incessantes. » Le cardinal François-Xavier Bustillo en prononçant cette phrase invite les catholiques de France à profiter de cette controverse pour penser l’évangélisation autrement.
- Quand va-t-on comprendre que l’énergie dépensée à se battre contre des moulins à vent devrait plutôt profiter à ces jeunes athlètes et de leurs jeunes supporters afin de leur faire découvrir les richesses de notre culture religieuse qui exprime, toujours et plus que jamais, les valeurs de notre société libre et démocratique ?
- Quand va-t-on en finir avec la « christianophobie » qui, sous couvert d’un humour parfois mal placé, reflète une « sainte ignorance » (5) fragilisant la nécessaire fabrication du commun ?
- Quand va-t-on mettre en pratique les « Petites Béatitudes » de Joseph Folliet : « Bienheureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes : ils n’ont pas fini de s’amuser » ? (6)
Encore un petit clin Dieu pour finir !
Aux premières images de la cérémonie d’ouverture, Jamel Debbouze, se retrouve dans le stade de France totalement vide. Tout se passe ailleurs. Heureusement, Zinedine Zidane qui passait par là, prend la relève et sauve la flamme de la perdition. Alléluia ! Zidane le sauveur.
À cet instant, remémorons-nous la réaction de Jamel voyant Zinedine. « Zizou-Christ ! », s’exclame-t-il. (7)
Depuis, quelqu’un a-t-il crié au scandale, au blasphème, au sacrilège, à la réparation, au jeûne, à la récitation du rosaire… ?
Non… ? Et pourquoi… ?
Vignette : Ceci n’est qu’une simple interprétation
Débarrassé de sa croix, il est ressuscité, mais ses mains recroquevillées portent les stigmates des clous ayant traversés ses chairs et ses os. Il surgit de l’eau comme s’il s’apprêtait à marcher dessus. Il est le premier à naître de l’eau et de l’Esprit. Il est le même, mais on ne le reconnait pas, son regard échappe au commun des mortels. Il est la fin de tout et il reste aux hommes à graver dans le blanc, placé comme un phylactère, comme un vide, comme un silence qu’il est aussi le début de tout.
(1) Source : france3-regions.francetvinfo.fr
(2) Source : communiqué du Saint-Siège, 03.08.2024
Le Saint-Siège a été attristé par certaines scènes de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris et ne peut que se joindre aux voix qui se sont élevées ces derniers jours pour déplorer l’offense faite à de nombreux chrétiens et croyants d’autres religions.
Dans un événement prestigieux où le monde entier se réunit autour de valeurs communes ne devraient pas se trouver des allusions ridiculisant les convictions religieuses de nombreuses personnes.
La liberté d’expression, qui, évidemment, n’est pas remise en cause, trouve sa limite dans le respect des autres.
(3) Astérix et Obélix, « Le combat des chefs » – Planche 33 case 4.
(4) Les enseignants, les formateurs, les animateurs pastoraux trouveront dans cet atelier de trois séances de quoi présenter le dernier repas de Jésus. L’ultima cena au travers du regard de plusieurs artistes :
(5) Olivier Roy, La sainte ignorance, Seuil, 2008. « Le mythe de la sainte ignorance anime les fondamentalismes modernes en concurrence sur un marché des religions qui à la fois exacerbe leurs divergences et standardise leurs pratiques. »
(6) Les « Petites béatitudes » de Joseph Folliet
Bienheureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes : ils n’ont pas fini de s’amuser.
Bienheureux ceux qui savent distinguer une montagne d’une taupinière : il leur sera épargné bien des tracas.
Bienheureux ceux qui sont capables de se reposer et de dormir sans chercher d’excuses : ils deviendront sages.
Bienheureux ceux qui savent se taire et écouter : ils en apprendront des choses nouvelles.
Bienheureux ceux qui sont assez intelligents pour ne pas se prendre au sérieux : ils seront appréciés de leur entourage.
Heureux êtes-vous si vous savez regarder sérieusement les petites choses et paisiblement les choses sérieuses : vous irez loin dans la vie.
Heureux êtes-vous si vous savez admirer un sourire et oublier une grimace : votre route sera ensoleillée.
Heureux êtes-vous si vous êtes capables de toujours interpréter avec bienveillance les attitudes d’autrui même si les apparences sont contraires : vous passerez pour des naïfs, mais la charité est à ce prix.
Bienheureux ceux qui pensent avant d’agir et qui prient avant de penser : ils éviteront bien des bêtises.
Heureux êtes-vous si vous savez vous taire et sourire même lorsque on vous coupe la parole, lorsque on vous contredit ou qu’on vous marche sur les pieds : l’Évangile commence à pénétrer votre cœur.
Bienheureux surtout vous qui savez reconnaître le Seigneur en tous ceux que vous rencontrez : vous avez trouvé la vraie lumière, vous avez trouvé la véritable sagesse.
Joseph Folliet (1903-1972), prêtre du Prado
(7) « Zizou Christ » et Jamel lors de la cérémonie d’ouverture ! : https://www.youtube.com/watch?v=zFReobOj2uc
La Cène en visio par temps de pandémie